"Penser avec les mains" texte de Pierre-Jean Crittin
Publié le 27 novembre 2010 par Pierre-Jean Crittin
Dans son livre Penser avec les mains, l’écrivain Denis de Rougemont s’interroge. « Je me propose d’envisager dans cet ouvrage le problème de la culture », commence-t-il. Pour lui, la culture est un problème pas une solution, comme on le pense aujourd’hui dans les écoles. « Ce que je veux faire, en écrivant ce livre, c’est montrer que l’esprit n’est réel que lorsqu’il s’abaisse au niveau des hommes concrets, des ouvriers au sens premier du mot: ceux qui ont prise sur les choses et qui « étreignent la réalité rugueuse », comme dit Rimbaud. Ceux qui œuvrent; et ceux qui ouvrent. »
J’ai vu des musiciens qui pensaient avec les mains. J’en ai vu qui pensaient avec tout leur corps (j’en ai aussi vu qui jouaient comme des pieds, mais c’est une autre histoire). Récemment, j’ai eu la chance d’assister à une expérience artistique qui entre en résonance avec les idées de Denis de Rougemont. Il s’agissait d’une semaine de travail entre la danseuse et chorégraphe Beatriz Borrajo et le guitariste Jean-Paul Bourelly. Je n’ai pas assisté au travail en lui-même, mais j’ai été convié à une présentation à l’issue de leur rencontre. J’avais vu ce guitariste en concert à de nombreuses reprises, mais j’ai été fasciné de voir comment ce corps et ces mains réfléchissaient, se trompant parfois, face à la danseuse.
La plupart des journalistes et critiques musicaux n’ont plus l’occasion, la volonté ou le temps d’aller voir les musiciens au travail. C’est regrettable.